© à pleines mains |
Depuis l’enfance,
je me promène d’atelier en atelier : celui de mon grand-père paternel,
fabricant de radios et d’enceintes, plein de machines bruyantes et d’odeurs de
résines et de solvants ; celui de mon grand-père maternel, bricoleur
minutieux et exigeant, pas vraiment autorisé sauf pour aller chercher les
jouets qu’on laissait au jardin, dans le cabanon en bois où il rangeait ses outils ;
celui de mon oncle, sculpteur sur bois, attenant à sa maison bretonne, rempli
de gouges, de sciure, d’établis usés et de bois odorants ; celui de ma
tante, les bocaux pleins de teintures pour soie, l’odeur de la cire chaude, les
cadres hérissés de clous sur lesquels on tendait le tissu, et puis le papier
sulfurisé et l’étuve qui fixait les couleurs. J’aimais la brillance des
couleurs, la façon dont la teinture se diffusait dans la trame, butant contre
les frontières de cire qu’il fallait tracer si vite pour qu’elles restent fines.
Celui de grand-mère maternelle enfin, que j’ai hanté jusqu’à la fin de l’adolescence,
« l’atelier clandestin » du pavillon en meulière dans lequel j’ai
passé des heures à coudre, à faire du cartonnage, des pompons et du tricot,
quand nous n’étions pas dans la cuisine à faire des caramels ou des bougies…
J’ai beaucoup
cousu, envisageant même un temps d’en faire mon métier, et puis je me suis
passionnée pour l’histoire de l’art, discipline qui à mon sens réunissait toutes
les autres : arts et sciences, histoire, techniques, idées...
J’ai nourri mon esprit, toujours fascinée par la matérialité des œuvres,
l’interrogeant sans relâche.
C’est lorsque je
me suis arrêtée de fumer que j’ai repris les aiguilles, car finalement je
fumais pour occuper mes mains, devenues improductives. Et le goût d’apprendre,
d’expérimenter, de découvrir est revenu, impérieux, à ce simple contact, devant
ce simple fait : pouvoir créer de ses mains, un objet, de A à Z en étant
seule décisionnaire. Et puis la sensualité des matières, des couleurs, les
infinies possibilités.
La laine a rouvert
la route des affinités électives, créant de nouveaux liens, des amitiés
formidables, une nouvelle toile et ravivant mes envies d’atelier et de travail
artisanal.
Couleurs de garance, cochenille, bois de campêche, gaude et rhubarbe |
L’atelier c’est
un lieu, ce sont aussi des techniques, des outils spécifiques, un vocabulaire, une
histoire et un lieu de transmission. Pour moi il n’y a pas de réelle frontière
entre l’atelier de l’artisan et celui de l’artiste.
C’est un lieu de
création, de fabrication, c’est le lieu où la main s’épanouit.
C’est le lieu où
la pensée devient tangible, s’incarne sans avoir toujours besoin d’être
verbalisée.
Pour l’instant,
ce lieu là est encore un rêve pour moi. Un atelier où installer ma créativité
pour qu’elle puisse s’y épanouir comme on rêve d’un bureau ou d’une chambre à
soi.
Pourtant, j’ai commencé à teindre les fils et à
carder les fibres qui peuplent mon imagination
depuis
que je suis entrée dans le monde si généreux et chaleureux des fileuses et des
teinturières. Cet atelier, il est entre mes mains et je
l’emporte partout avec moi, partageant ce que j’ai appris.
Aujourd’hui,
cette fibre artisanale, éprouvée depuis l’enfance, j’ai décidé de la partager
et de la proposer aux fileuses, aux tricoteuses, aux tisserandes, sensibles
comme moi aux belles matières et aux couleurs naturelles.
Vous pourrez
découvrir mon travail et celui de beaucoup d’autres artisans et créateurs
formidables lors du festival de laine « Le Fil de la Manche », les 28
et 29 avril prochain au Château de Miromesnil, à coté de Dieppe, en Normandie.
En attendant vous pouvez retrouver des instantanés des préparatifs et de ma vie laineuse sur Instagram
J’ai hâte de vous rencontrer !
@apleinesmains